Les vignobles de la Loire

C’est par facilité plus que par respect d’une unité viticole que l’on regroupe sous le titre de Vallée de la Loire tous les vignobles qui garnissent les rives du long fleuve, depuis les monts d’Auvergne jusqu’aux côtes bretonnes. Dans ces pays d’ancienne tradition vigneronne cohabitent de nombreux cépages et des vins très divers, rouges tanniques ou légers, blancs secs tendres ou aus­tères, moelleux puissants et parfumés. À tous, la Loire apporta une voie de commercialisation; elle les unit aujourd’hui sous une ban­nière commune.

On distingue cinq régions de production : l’Au­vergne, le Centre, la Touraine, l’Anjou, et le Pays nantais.

La Touraine

L’ aimable Touraine cultive avec bonheur de nombreux cépages, certains s’implantant ou disparaissant au gré des modes. Comme beaucoup de grandes villes, Orléans possédait jadis son vignoble ; il n’en reste qu’un VDQS Orléanais de vins rouges, blancs et surtout « gris », dû au pinot meunier apporté de Cham­pagne. Cheverny doit beaucoup à la royauté, en particulier à François Jer qui y implanta le rare cépage Romo­rantin ; aujourd’hui déclaré en AOC Cour-Cheverny, il donne des vins blancs secs, fruités, rehaussés d’une pointe de salé qui les destine aux fruits de mer. Les autres vins de Che­verny, rouges, rosés et blancs, sont d’agréables crus de consommation rapide. Le VDQS Valençay mêle pour ses rouges et ses rosés francs et frui­tés le gamay, le cot, le pinot noir, le cabernet, et pour ses blancs le char­donnay et le sauvignon. Le vignoble est épars dans cette région connue aussi pour ses fromages de chèvre.
L’appellation Touraine englobe une bonne partie des crus locaux elle a pris le chemin des vins tendres, souvent vendus en primeur, de gamay et de sauvignon principa­lement. On y trouve plusieurs vins distincts : Touraine-Mesland, fief des vins rouges structurés et élevés en fûts ; les blancs utilisent le sauvignon (mais aussi le chenin), qui apporte fermeté et acidité bénéfique au vieillissement. Touraine-Amboise donne parmi les meilleurs rouges de gamay, complets et fruités, mais aussi des blancs de chenin secs ou demi­-secs de bonne garde. Touraine-Azay­le-Rideau, autour de son château, perle de la Renaissance, donne des vins rosés de pressurage direct, et des blancs de chenin où perce une poin­te de sucre résiduel.
L’une des plus belles expressions du beau cépage chenin se trouve près de Tours, sur les 1 700 hectares de Vouvray. Ici, une seule couleur, le blanc ; mais il se décline sur une large palette : les vins secs, puissants et fins ; les demi-secs, où l’amertume naturelle du chenin est tempérée par un restant de sucre ; les moelleux, opulents, aux arômes typés de pomme mûre, de coing, qui vieillis­sent bien et longtemps. Et puis les perlants aux fines bulles, les pétillants, et les Vouvrays mousseux élaborés de même manière que le Champagne. Les vins liquoreux ne peuvent être produits que les années où le raisin est surmûri ; les années médiocres sont surtout traitées en mousseux, qui connaît une grande vogue. Le Vouvray occupe les col­lines de la droite de la Loire, et le Montlouis lui fait face. De caractère un peu moins affirmé, il lui res­semble s’il est de bonne naissance.
Le vieux vignoble de la Sarthe est l’un des plus septentrionaux de Fran­ce. Sur un étroit coteau pousse le Jas­nières, grand vin de chenin, toujours ferme et racé, vinifié en moelleux les meilleures années, et que sa forte acidité destine à une lente évolu­tion. Les coteaux du Loir lui ressem­blent en plus simple ; ils donnent aussi des vins rouges francs et des rosés que le pineau d’aunis marque d’une note poivrée. Plus à l’est, les coteaux du Vendômois sont assez similaires.
L’ouest de la Touraine est la patrie du cabernet-franc, ce beau raisin qui offre des arômes de fruits rouges ou de violette. Le vignoble de Chinon, cher à Rabelais, est le plus étendu ; il couvre les deux rives de la Vienne, les meilleurs sols étant situés autour de la ville de Chinon. Le vin est coloré, puis­sant ou fruité selon qu’il vient de vignes en coteau ou en plaine. Il a dans les bons millésimes le meilleur

L’anjou

L’ Anjou débute comme se termi­ne la Touraine : par des vins rouges de cabernet, corsés et chaleureux. Les Saumurs rouges sont très aromatiques, et· plus encore le Saumur-Champigny, autrefois grand vin de garde, aujour­d’hui plutôt rond et fruité. Le Champi­gny est un vin populaire : il a fait presque oublier les grands vins liquo­reux que l’on récoltait sur le même sol de tuffeau qui leur donne sa tendresse, ces coteaux de Saumur auxquels quelques vignerons restent fidèles les grandes années. Saumur produit aussi quantité d’aimables blancs secs de chenin, dont une bonne part est trans­formée dans les caves de tuffeau en vins mousseux qui allient la rondeur à la vivacité du chenin.

L’Anjou garde une tradition de vins rosés demi-secs, à base de cabernet, qui firent les délices de nos grand­-mères. D’une belle teinte orangée qui s’assombrit avec l’âge, ils offrent des saveurs de fruits rouges qui les prédis­posent à la tonnelle de l’après-midi et aux fraises du jardin. Le meilleur est le Cabernet-d’Anjou, puis viennent le Cabernet-de-Saumur et le Rosé-d’Anjou, à bien distinguer du Rosé-de-Loire qui est un vin sec. On produit de plus en plus de vins rouges en Anjou, soit des Anjou-Gamay, soit, pour les vins de cabernet, des Anjous et Anjou-Villages, ce dernier nom étant réservé aux meilleurs secteurs dont les terres puis­santes de Brissac. Les Anjous rouges ne renient pas leur terroir : colorés, souvent charpen­tés, parfois anguleux, ils développent une belle générosité au bout de quelques années.
La gloire de l’Anjou, ce sont ses vins blancs de chenin. Ce cépage n’a pas fait grande école à l’étranger, où il donne souvent des vins mous et sans parfum. Ici, quand le soleil est au ren­dez-vous, il acquiert une fermeté et un soutien acide doublé d’un peu d’amertume qui le destinent aux· grands vins, qu’ils soient secs ou liquoreux. Sous l’appellation Anjou, les vins blancs peuvent comporter un peu de chardonnay qui les assagit. Les Savennieres, venant d’un petit vignoble au nord de la Loire, sont la quintessence du chenin : secs le plus souvent, austères dans leur jeunesse et parfois longtemps muets, ils possèdent une grande longévité et une race qui s’épanouit en bouteille. Le vignoble gar­nit des collines coupées de bois ou de hauts murs : comme le vin, il ne se livre pas aisément. Savennières-Roche-aux­ Moines est un grand cru dont les vins ont un surcroît de puissance. Le Saven­nières-Coulée-de-Serrant est l’autre cru, exploité en culture biodynamique: les vins, issus de très petits rendements, en sont très parfumés dans leur jeunesse, puis se ferment totalement pour une dizaine d’années, avant d’offrir des parfums raffinés de miel et de genêt. Les Savennières sont des vins de haute gastronomie, qui se marient aux meilleurs poissons. La rive gauche de la Loire produit les meilleurs vins moelleux, récoltés en tries manuelles. Le Layon, petite rivière qui traverse le vignoble, entretient à l’automne l’hu­midité nécessaire au développement de la pourriture noble, comme à Sau­ternes. Les raisins se gorgent alors de sucre et leur degré alcoolique poten­tiel peut atteindre 20°. La fermentation du moût s’arrête autour de 13-14°, le reste du sucre forme la liqueur du vin. Cela n’arrive pas tous les ans, c’est pourquoi il faut choisir les meilleurs millésimes. Les Coteaux-du-Layon sont des vins dont la liqueur est équilibrée par l’acidité naturelle du chenin, ce qui les conserve aériens en bouche et leur permet un long vieillissement. Les meilleures communes mentionnent leur nom, ainsi que le Coteaux-du­ Layon-Chaume d’ancienne renom­mée. Le Quarts de Chaume couvre la meilleure partie de Chaume, et les vins y sont plus concentrés et rôtis. L’autre grand cru est Bonnezeaux, tout de puissance et finesse mêlées. Ces vins furent célèbres au début du siècle ; après une éclipse, une succession de grands mil­lésimes les a relancés. On trouve aussi de beaux moelleux sous l’appellation Coteaux-de-Aubance, et des vins plus secs dans les coteaux de la Loire, qui font la jonction avec le vignoble du Pays nantais.

La Loire-Atlantique

Le vignoble de la Loire-Atlantique est l’héritier du vignoble breton qui couvrait au Moyen Âge une aire attei­gnant Vannes à l’ouest et les rives de l’Erdre au nord. On y cultive des cépages quasi exclusifs. Le muscadet bien sûr, qui se décline en Muscadet, Muscadet des Coteaux-de-la-Loire, Muscadet des Côtes-de-Grand-Lieu, et Muscadet de Sèvre-et-Maine. Ce der­nier, le plus répandu, est souvent le meilleur. À partir d’un cépage peu acide et aromatique venu de Bour­gogne, les vignerons nantais ont élaboré un vin sec et vif comme l’air marin ; une vendange hâtive lui appor­te mordant et acidité. L’élevage des vins sur lie leur donne leur complexi­té ; ces vins ne sont jamais meilleurs que dans leur seconde année, le per­lant produit par une légère saturation en gaz carbonique leur gardant de la fraîcheur. Le Gros-Plant du Pays nan­tais est le cadet du Muscadet, plus léger en bouche et d’arôme plus neutre ;c’est un des rares vins qui s’im­pose un degré alcoolique maximum. Les coteaux d’Ancenis, qui bordent la Loire, recueillent les vins des autres cépages : gamay et cabernet pour les rouges, quelques blancs de chenin, et le rare malvoisie demi-sec, qui n’est autre que le tokay d’Alsace égaré en Bretagne. Comme en Anjou et en Tou­raine, de nombreux vins sont déclarés en Vin de Pays du Jardin de la France, notamment des blancs de chardon­nay. Mais il existe aussi deux autres dénominations, Vin de Pays de Retz et Vin de Pays des Marches de Bretagne, pour les « petits » cépages et notam­ment le grolleau qui remplit les « fil­lettes » des cafés nantais.
Le panorama des vins de Loire ne serait pas complet sans les Fiefs Ven­déens, vignoble de la façade atlan­tique. Les cépages y sont nombreux, et les meilleurs crus ont pour nom Mareuil en rouge et Brem en blanc.

L’Auvergne et le Bourbonnais

Les vins d’Auvergne et du Bour­bonnais sont proches du Beaujolais : le cépage principal est donc logi­quement le gamay qui donne sur les terres hautes des vins secs, pleins de vivacité, souvent traités en rosés. On le trouve dans les Côtes-du-Forez, les Côtes-Roannaises, les Côtes-d ‘Au­vergne, à Saint-Pourçain, et plus haut à Châteaumeillant.

Le Centre

De Bourges à Orléans, le vignoble du Centre est depuis longtemps répu­té pour ses vins auxquels la présence des rois de France a donné une bonne notoriété. Le sauvignon est le cépage principal des blancs, et prend des saveurs multiples selon les ter­roirs. À Pouilly-Fumé, sur terrain cal­caire, les vins sont fermes, surtout s’ils sont élevés en fûts. Ceux de Sancerre, sur la rive gauche de la Loire, sont plus ronds et souples, et cohabitent avec des rouges fins de pinot, parfu­més, mais parfois un peu frêles. Mene­tou-Salon, aux portes de Bourges, donne des blancs d’une belle fraî-cheur, et des rouges et rosés proches des Sancerres. Les Reuillys sont don­nés pour de petits Sancerres, ainsi que les Quincys voisins, blancs exclu­sivement, plus fins et délicats. Le sau­vignon cède la place, sur la même aire que le Pouilly-Fumé, au cépage chasselas pour l’appellation Pouilly­ sur-Loire : ces vins de comptoir sont plus neutres d’expression que leurs grands frères. Enfin, les rives de la Loire sont parsemées de petits vignobles réunis sous l’appellation VDQS Côtes-de-Gien, vins assez légers et fruités, proches des Tou­raines.

LES ACCORDS DES VINS ET DES METS

Vins blancs secs : fruits de mer, fritures, anguilles, fromages de chèvre

Savennières : brochet beurre blanc, écrevisses

Vouvray sec : asperges, poissons grillés, tartes

Rosés-doux : artichauts sauce blanche, fr.aises au vin

Vins blancs liquoreux : foie gras, desserts par trop sucrés

Vins rouges légers : charcuteries, rillettes, pot-au-feu, tommes, poires au vin

Vins rouges tanniques : terrines, viandes rouges, rouget grillé, camembert